Hyam Zaytoun

Hyam Zaytoun est une comédienne, scénariste et autrice française au parcours éclectique et profondément engagé. Formée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique après des études littéraires, elle s’est illustrée au théâtre, au cinéma et à la télévision, notamment dans Le Bureau des Légendes, Un Village Français, Riviera ou The Spy.

Mais Hyam Zaytoun est aussi une voix littéraire singulière. Son premier roman, Vigile (Le Tripode, 2019), est un récit poignant sur la fragilité de la vie et la puissance de l’amour. En 2025, elle publie Les femmes afghanes n’ont plus le droit de chanter (Buchet Chastel), un texte engagé et poétique qui donne voix à celles que l’on réduit au silence.

 

Ton parcours mêle théâtre, cinéma et écriture. Comment ces disciplines nourrissent-elles ton regard sur le monde ?

Je pense que chacune de ces disciplines me permet de médiatiser le monde qui m’entoure, et de m’intéresser à des sujets auxquels je ne suis pas forcément sensibilisée. J’aime voir s’incarner des idées sur scène. J’aime que des voix, des visions différentes se confrontent. Qu’il y ait du corps, de l’émotion et en même temps de l’invisible, du politique et du philosophique. J’ai toujours voulu écrire, mais avec la peur de manquer de recul, d’être prisonnière de ma seule intimité. Le théâtre a été, et est toujours, une formation et une inspiration. J’adore aussi voir à l’œuvre l’invention, la créativité, me dire qu’on peut faire tant avec souvent peu de moyens.

Le cinéma m’inspire beaucoup aussi, mais en tant que spectatrice j’ai bien moins de recul. Je me fais immédiatement happer par l’histoire, les personnages. Idem pour les séries : je trouve qu’il y a vraiment des bijoux aujourd’hui et je pense très souvent au travail romanesque lorsque je plonge dedans. En somme, une forme de catharsis pour moi.

Lorsque je travaille comme comédienne, alors c’est une autre expérience : celle du jeu, de l’empathie mise au service du rôle, une forme d’ouverture à d’autres altérités. C’est sans doute – et je crois que c’est pour cela que j’aime tant ce métier – ce qui me donne l’impression de pouvoir vivre « d’autres vies… »

Et puis, oui, l’écriture, mais avant tout déjà la lecture. Cette expérience du silence. Et comment les mots font advenir de la conscience, comment ils peuvent toucher, éclairer, être si puissants finalement… Et donc peut-être, oui, changer la vie.

 

Ton nouveau texte sur les femmes afghanes est très engagé. Comment est née cette urgence d’écrire ?

Comme je le raconte au début de mon livre, mon engagement féministe, disons officiel, est finalement assez récent. Mais il m’a permis d’emblée de faire la connaissance de beaucoup de femmes inspirantes, qui m’encouragent, me font croire à l’idée d’une sororité. Parmi elles, une amie, dont l’appel et l’émotion quant à la situation des femmes afghanes, m’ont touchée et poussée à me questionner.

C’est d’abord son appel, sa voix justement, qui sont venus me chercher. Ils ont fait céder une forme d’indifférence et d’ignorance. J’ai voulu écouter, découvrir, et puis porter ma voix… Peut-être aussi parce que, d’une façon étrange et qui m’interrogeait, cette idée d’être empêchée de chanter, de parler, d’exprimer des émotions, des idées, m’est à la fois familière et insoutenable. Peut-être parce qu’en tant que femme, c’est une expérience – en tout cas, un héritage – qu’on a…

 

Comment choisis-tu les projets artistiques auxquels tu participes ? Y a-t-il un fil rouge dans tes choix ?

Ce sont d’abord des rencontres. J’ai besoin d’humanité, de douceur, mais aussi de finesse et d’exigence. J’ai la chance – et j’ai aussi pris cette décision – de pouvoir refuser certaines propositions, parce que j’ai plusieurs casquettes : je joue, j’écris, et j’enseigne le théâtre. De pouvoir m’associer à des projets dont les idées et la façon d’œuvrer me parlent. Ou, au contraire, me poussent à sortir de ma zone de confort. Mais toujours dans la bienveillance, l’écoute, le respect.

 

Y a-t-il une scène, au théâtre ou à l’écran, qui t’a transformée en tant qu’artiste ?

Je suis persuadée d’être régulièrement transformée, mais pas forcément d’une façon consciente. Souvent, au détour d’un moment de vie, ces œuvres, ces scènes me sont rappelées. C’est plutôt dans ce sens-là que ça arrive.

Je dirais que l’œuvre de Tchekhov (en l’occurrence Platonov), montée par Claire Lasne, il y a plusieurs années, m’a énormément touchée. Je me suis dit qu’on pouvait mettre véritablement l’entièreté de son être, de sa personnalité, de ses fragilités, ses idéaux et ses luttes intérieures et extérieures au service du jeu. Mais plus largement, aussi, au service de l’art et des autres, qu’il y a de la générosité à être artiste… Même si j’ai souvent tendance à penser qu’on est privilégié de pouvoir vivre cette vie-là. Que c’est beaucoup à nous d’avoir de la reconnaissance envers celles et ceux qui veulent bien s’intéresser à ce qu’on fait !

 

Quel rôle joue la mémoire dans ton écriture ?

La question du temps en général m’intéresse beaucoup. J’admire les auteur.ices qui arrivent à intégrer cette donnée avec créativité dans leurs œuvres. J’aime l’idée aussi, qui est en train d’être explorée par les scientifiques, d’un temps quasi quantique. Que passé, présent, futur sont bien plus complexes qu’on imagine. Imaginer qu’une multitude de possibilités s’y déploie…

En ce qui concerne mon travail, je dirais que le souvenir y joue un rôle important. Au sens où, dans chacun de mes livres (VigileLes Femmes afghanes n’ont plus le droit de chanter, mais aussi J’apprends l’arabe, un feuilleton-radio écrit pour France Culture), il s’agit de récits : pouvoir revisiter le réel, lui donner une direction, un sens, composer avec…C’est la mémoire, ce désir de ne pas oublier, mais aussi ses failles, ses angles morts, qui permet la création. Comment faire avec ce qu’on oublie, ou ce qu’on ne saura jamais ? Est-ce que ce n’est pas ça le plus émouvant souvent, dans un récit ?

 

Peux-tu nous partager une phrase, une citation ou un enseignement qui t’inspire ?

Il y a cette phrase de Giacometti (qui est aussi le titre du petit livre dont elle est extraite) que je trouve magnifique :

« Je ne sais ce que je vois, qu’en travaillant. »

 

Nour Cadour

On peut être plusieurs désirs, plusieurs envies, Nour Cadour médecin nucléaire de profession, poétesse, romancière en est un exemple.  Elle conjugue science et sensibilité artistique avec une rare intensité. Son œuvre explore les silences, les exils, les voix oubliées, notamment celles des femmes à travers le monde. Elle est l’autrice du roman L’âme du luthier (Hello Éditions, 2022), finaliste du Prix Livre Europe-Méditerranée, et de plusieurs recueils de poésie primés, dont Larmes de lune et Le silence pour son. Nour Cadour est également très active dans la scène poétique contemporaine, organisant des lectures et des événements littéraires à Paris, Bruxelles et ailleurs.

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